Commotion cérébrale dans le sport + outil d’évaluation CC

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Commotion cérébrale dans le sport + outil d’évaluation CC

Prise en charge d’une commotion cérébrale dans le sport.

Les commotions cérébrales, (CC) dans le sport touchent de nombreux sportifs, que ce soit des enfants, des adolescents ou des adultes, des professionnels ou amateurs, en match ou en entraînement. Selon le Centre de contrôle et de prévention des maladies (CDC), aux États-Unis, chaque année entre 1,6 millions et 3,8 millions de personnes souffrent de CC en lien avec le sport. Depuis quelques années maintenant, les CC sont au centre des préoccupations médicales, en raison d’une plus forte sensibilisation à la possibilité de séquelles à long terme, mais aussi d’une meilleure capacité de diagnostic. De nombreuses fédérations sportives ont établi un protocole strict de retour au sport, afin de gérer la récupération post-commotionnelle. Ce protocole est efficace dans le cadre des CC simples. Lorsque nous sommes face à une CC à évolution lente ou complexe, ce protocole n’est pas suffisant et une prise en charge individualisée et professionnelle doit être mise en place.

 

Définition :

Une CC est un traumatisme crânio-cérébral léger. C’est un processus physiopathologique complexe touchant le cerveau, induit par des forces biomécaniques, qui entraîne rapidement une brève altération de la fonction neurologique qui se rétablit spontanément (McCrory et al.2013) ; à la suite d’un coup direct donné à la tête, au visage, à la nuque ; ou à la suite de coup au corps dont la force se répercute jusqu’à la tête et entraîne un mouvement rapide du cerveau à l’intérieur de la boite crânienne. À cela peuvent s’ajouter des mécanismes de coups- contrecoups, mais aussi des mécanismes rotatoires (Purcell, 2014). Comme c’est une atteinte fonctionnelle du cerveau et non structurelle, 79% des scanners cérébraux et 75% des IRM cérébrales ne montrent aucune lésion (Ellis et al., 2015)

Une CC peut survenir dans la pratique sportive, mais également dans n’importe quel contexte de vie (e.g accident domestique ou accident de la voie publique). Certains sports sont naturellement plus à risque que d’autres. Classiquement, on considère que les sports de contact à haut risque de CC sont le hockey sur glace, la boxe, le football américain et le rugby. Les sports à risque significatifs sont le basket ball, le football, la lutte, le baseball, l’équitation, le hand ball et le ski. Enfin, quelques autres sports sont également plus à risque comme le vélo, le patinage ou le skateboard.

Pendant longtemps, le diagnostic de CC a été posé uniquement si une perte de connaissance avait lieu. Aujourd’hui, des études montrent que seuls 5-9% des athlètes perdent connaissance lors d’une CC (Castile et al.,2012). Malheureusement, encore trop fréquemment, et cela même dans les centres d’urgence, la gravité ou même le diagnostic ne sont posés que s’il y a perte de connaissance. Cela est dommage, car on sait par exemple que l’amnésie circonstancielle (oubli de l’évènement) est un meilleur indicateur de CC que la perte de connaissance : plus l’amnésie circonstancielle est longue, plus les séquelles sont importantes et la récupération longue (Tator et al.,2016). Après le diagnostic, l’autre problème est celui de la prise en charge. Il a été démontré que 49% % des médecins de famille, 52% des médecins d’urgence et 27% des pédiatres avaient déclaré n’avoir aucune idée des critères consensuels concernant la gestion des CC (Stoller et al.,2014)

 

LES SEQUELLES ET LES CONSEQUENCES

Les séquelles consécutives à une CC peuvent être multiples, variées et différentes pour chaque individu et pour chaque CC.Purcell (2014) évoque quatre types des problèmes :

  • Les symptômes physiques (maux de tête, nausée, vertiges, troubles visuels, photo et phonophobie, perte de conscience, perte de l’équilibre, perte des habilités physiques) ;
  • Les changements de comportement (irritabilité, labilité émotionnelle, tristesse, anxiété et émotions inadéquates) ;
  • Les troubles cognitifs, (ralentissement, difficultés de concentration et de mémoire, confusion, sentiment d’être dans le brouillard) ;
  • Les troubles du sommeil (somnolence, difficulté d’endormissement, hyper ou hyposomnie, insomnie)

Ces séquelles peuvent subsister à court, moyen terme et long terme (Tator et al., 2016). Les trois séquelles les plus fréquemment reportées par les sportifs sont les maux de têtes (85,5%), les étourdissements (64,4%) et mes troubles de la concentration (47,8% ; Castile et al., 2012).

LES CHOCS À RÉPÉTITIONS :

la sous-commotion cérébrale

De nombreuses études analysent les forces en jeu durant les matchs et les entraînements, en disposant notamment un capteur de force G sur les casques des joueurs. Naturellement, cette force varie selon les sports, en fonction de la position du joueur, mais aussi de la localisation du choc. Par exemple, une étude auprés de 40 joueurs de football américain a montré un total de 16502 chocs en 47 rencontres durant une saison (33 entrainements et 14 matchs), avec une médiane de la force G à 21,9 (Urban et al., 2013). Ainsi, de plus en plus d’études montrent que même sans un diagnostic de CC, les petits chocs à répétition apportent des modifications de la substance blanche cérébrale[1] (Mayinger et al.,2018). Les études sur les têtes pratiqués au football montrent des résultats alarmants, avec des performances cognitives (attention, vitesse de traitement et mémoire de travail) significativement moins bonnes après deux semaines de pratiques de pratique du football et de têtes (Stewart et al. 2018). La notion de sous-commotion cérébrale est alors évoquée.

Les CC simples

80 à 90% des CC diagnostiquées sont dites simple. Elles se résolvent généralement dans les 7 à 10 jours, au maximum dans le mois (surtout chez les enfants), avec une certaine hétérogénéité. En revanche, une personne qui a eu une CC a trois fois plus de chances d’en subir une seconde au cours de la même saison et on aussi plus de risque qu’un choc moins important engendre une CC (Guskiewicz et al., 2003)

 

Les CC complexes ou à évolution lente

10 à 15% sont des CC dites complexes ou à évolution lente et des séquelles persistent au-delà de 7 à 10 jours chez un adulte, 4 semaines chez un enfant ou un adolescent. Le blessé présente alors un syndrome post-commotionnel (SPC). Le SPC correspond à des symptômes physiques, cognitifs et psychologiques, associés à des déficits cognitifs consécutifs persistants à la suite d’un traumatisme crânien (selon la définition de l’Organisation mondiale de la santé). Ces symptômes peuvent perturber le fonctionnement social, familial, professionnel et/ou scolaire de la personne au quotidien. Dans certains cas, cela implique la nécessité de cesser l’activité sportive, mais aussi l’activité scolaire ou professionnelle

(Castile et al.,2012).

Tator et al., (2016) ont montré que lors d’un SPC, les séquelles à long terme avaient une médiane à sept mois, mais pouvaient dans certains cas perdurer à vie. Ces auteurs ont également montré que ce syndrome se diagnostiquait normalement après plusieurs CC, mais que dans 23,1% un SPC survenait après la première CC. Le nombre moyen de symptômes persistants est de 8,1%. En revanche, 26,2% des sujets qui ont des symptômes persistants avaient avant la CC des problématiques psychiatriques, un diagnostic de TDAH, des troubles des apprentissages ou des maux de tête.

 

LES CC À RÉPÉTITIONS

Le syndrome du second impact (ou gonflement cérébral diffus)

 

Le cerveau du sportif reçoit un nouveau coup, alors qu’il n’est pas remis du premier coup. Les risques sont majeurs, avec des séquelles handicapantes dans 100% des cas et le décès dans 50% des cas (McCrory et al., 2012). Il existe quelques exemples tragiques dans le milieu du sport, comme Rowan Stringer, âgée de 17 ans, probablement décédée des suites d’un second choc dans la pratique du rugby, ou Preston Plevetes, joueur de football américain, resté sévèrement handicapé à l’âge de 19 ans à la suite d’un syndrome du second impact. Heureusement, les cas sont vraiment très rares, notamment si les procédures de retour au jeun sont respectées.

 

L’encéphalopathie chronique traumatique (ECT)

 

C’est une maladie neurodégénérative latente consécutive à des chocs répétés sur la tête, chocs incluant la CC ou la sous-commotion (McKee et al.,2016). Elle a été associée au sport la première fois en 1928, dans le contexte de la boxe, quand Harrison Stanford Martland à décrit les caractéristiques d’un syndrome neuropsychiatrique qui affectait les boxeurs. Il l’a appelé à l’époque la démence pugilistique (pour une revue, voir Changa et al.,2018). Par la suite, cette entité médicale a surtout été liée à des situations d’agression physique, avec coups répétitifs à la tête, ou à des crises d’épilepsie mal contrôlées. C’est dans ce contexte qu’en 1949, Critchley a proposé le terme d’encéphalopathie chronique traumatique. Ce n’est que plus récemment que cette problématique a été associée aux sports de contact et aux soldats victimes de coups répétés à la tête, incluant les explosions.

 

Les symptômes principaux sont des troubles cognitifs (mémoire, attention et fonctions éxécutives[2]), comportementaux (agressivité et irritabilité) et émotionnels (dépression et anxiété). Une étude (Mez et al., 2017) montre que l’ECT touche 87% des sportifs qui ont pratiqué en moyenne 15 ans une activité sportive à risque de CC. Cette pathologie évolue vers une démence dans 85% des cas. L’âge moyen du décès est de 67 ans. Les cas de sportif décédés de cette pathologie sont nombreux, mais encore à l’heure actuelle il existe des controverses, notamment en raison d’enjeux financiers, mais aussi car la causalité directe n’est pas toujours clairement établie ; finalement le diagnostic certain ne peut être fait que post-mortem, en pratiquant une autopsie (McKee et al., 2016). Bien que des évidences et des liens semblent se confirmer, des études méthodologiquement solides doivent encore être conduites afin de comprendre les liens exacts entre les différents troubles cognitifs, émotionnels et comportementaux survenant dans l’ECT (pour une revue de la littérature voir Manley et al.,2017).

 

Les règles d’or

 

Les prises en charge thérapeutiques sont aujourd’hui souvent composées de psychoéducation. Avec les CC, il est capital de faire cette psychoéducation en expliquant les règles d’or :

1          Être un patient patient. Le premier élément qu’un patient doit pouvoir comprendre lorsqu’il est victime d’une traumatisme crânien léger, c’est que la durée de récupération est inconnue. Elle dépend de nombreux facteurs, souvent de leurs interactions et de leur intensité, rendant le pronostic de récupération impossible à prédire. Cela est d’autant plus vrai dans le cadre des CC complexes.

2          Faire peu, se reposer beaucoup. Il s’agit de travailler avec le sportif sur un équilibre entre se reposer beaucoup et faire un peu d’activité, en alternant les activités physiques et mentales. Ces activités seront ensuite augmentées progressivement en fonction du seuil des symptômes.

3          Maximiser ce qui fait du bien, minimiser ce qui fait mal. Afin de rester en dessous du seuil des symptômes, il est primordial de ne pas s’exposer à des activités qui vont provoquer le développement des symptômes. Ainsi, il est nécessaire de faire tout ce qui fait du bien et d’éviter ce qui va être mauvais. Il existe aussi une pertinence sur le plan psychologique à vivre des moments de bien-être et non des moments de souffrance en lien avec les symptômes. Souvent le sportif ne possède pas un répertoire très fourni d’activités qui font du bien, étant donné que tout son temps est occupé par le sport. Le travail consistera ici à l’aider à s’ouvrir à de nouvelles activités et/ou celles que l’on ne fait jamais par manque de temps.

4          La blessure est une opportunité. La blessure doit être expliquée comme une opportunité et non comme une perte de temps ou un échec. On propose au sportif de prendre le temps de faire des choses qu’il n’avait jamais eu le temps de faire, en raison de son calendrier très chargé. On peut également aborder des aspects plus psychologiques, comme la gestion de la frustration, la capacité de trouver des solutions, la manière de regarder cet évènement (capacité de coping), etc. Le but étant ensuite de montrer que la manière de gérer cet évènement pourra être généralisée à d’autres évènements de vie négatifs dans le futur.

5          Intensité ou durée ou fréquence. Quand on augmente une activité, que ce soit sur le plan mental ou physique, on augmente soit son intensité, soit sa durée, soit sa fréquence. Pas les trois en même temps.

6          S’arrêter avant ! Lors d’une CC, les sportifs pensent que même s’ils ont mal et sont fatigués, ils doivent continuer, car à la fin cela ira mieux. Dans le sport, la souffrance et le fait de sortir de sa zone de confort font partie de la progression et le même raisonnement est appliqué à la gestion de la CC. Cela est malheureusement une fausse croyance, qu’il faut prendre le temps d’expliquer très rapidement et de manière très explicite au blessé. La rééducation neurologique ne suit pas la même logique que la progression sportive. LE cerveau n’est JAMAIS au repos. Une fois une activité terminée, il faut ranger, il faut se changer, il faut rentrer, etc. Mais aussi tout simplement, rien que de penser, de voir, d’entendre, de sentir ou de rêver, crée une activité cérébrale qui fatigue. C’est pour cela qu’en général on doit s’arrêter avant de ressentir les symptômes et c’est également pour cette raison que les premières activités autorisées n’excèdent pas 10 minutes.

7          Tout fatigue ! La fatigue est le symptôme prédominant après un traumatisme crânien (Beni, 2010). Elle peut être physique ou mentale ou les deux. Sur le plan physique, le repos est classiquement suffisant pour pallier. Sur le plan mental, cela est plus complexe, notamment car comme expliqué ci-dessus, le cerveau n’est jamais au repos. De plus, la fatigue peut être cognitive et donc liée à des activités intellectuelles, de raisonnement, de mémorisation, etc. Elle peut également être émotionnelle. La fatigue émotionnelle, largement sous-estimée, est la plus importante et engendre surtout de la fatigue insidieuse. Il n’est pas rare d’entendre « je n’ai rien fait et je suis épuisé ». Il peut être intéressant d’investiguer l’émotion qui est liée à l’inactivité et, très souvent, culpabilité, ennui et frustration ressortent. À cela s’ajoute naturellement la qualité du sommeil, qui va avoir un impact capital sur la fatigue. Il peut également être conseillé de pratiquer une nouvelle activité le matin, quand le cerveau est reposé, plutôt que le soir, où le cerveau est fatigué de sa journée.

8          Ne rien faire, c’est prendre soin de soi. Il est important d’expliquer que se reposer est une partie intégrante et capitale de la récupération et non une perte de temps.

9          Éviter les écrans. Aucune étude n’a encore été menée sur l’impact du temps passé sur les écrans à la suite d’une CC, mais cliniquement il est constaté que les symptômes persistent plus longtemps chez les sportifs qui en ABUSENT. Il est capital de minimiser le temps sur ces interfaces, voire de les bannir. Au minimum, on fera baisser la luminosité de tous les écrans et on enlèvera le filtre bleu.

10        Être bien entouré. Afin d’offrir une prise en charge optimale, il est naturellement essentiel de pouvoir s’associer à des professionnels compétents dans leurs domaine, afin de travailler dans une confiance réciproque et d’offrir une prise en charge pluridisciplinaire qui tiendra compte de tous les paramètres qui entourent la CC.

[1] « La substance blanche, située dans la moelle épinière et dans l’encéphale, contient essentiellement les axones – prolongements des cellules nerveuses, très fins et très longs, entourés chacun d’une gaine d’une substance particulière, la myéline – mais aussi des cellules non nerveuses constituant un tissu interstitiel, appelé névroglie, qui nourrit et protège les cellules nerveuses. La substance blanche assure la conduction de l’influx nerveux soit d’un centre nerveux à un autre, soit entre un centre nerveux et un nerf »
(Définition du Larousse)
[2] Les fonctions exécutives regroupent un ensemble de capacité nécessaires à une personne pour faire face à des taches non routinières. Classiquement, on parle des capacités de planification, de flexibilité mentale, d’inhibition et d’auto-activation.

Outil d’évaluation de la commotion dans le sport – 3e édition

 

Bibliographie

Beni,C. (2010). Prise en charge de la fatigue suite à un traumatisme crânien : Application des stratégies cognitivo-comportementales. In B. Zellner Keller (éd), Des métiers pour aider : Apport de l’approche cognitivo-comportementale et de ses outils. Genève : Médecine et hygiène.

Manley, G., Gardner, A.J., Schneider, K,J., Guskiewics, K.M ailes, J., J., Cantu, R.C., Iverson, G;L (2017) . A systematic review of potential long-term effects of sport related concussion. British journal of sports Medicine , 51 (12), 969.

 Extrait d’article Prise en charge d’une commotion cérébrale dans le sport  Par Catia Beni

Le SCAT3 (Sport Concussion Assessment Tool) est un outil standardisé d’éva-
luation des athlètes chez qui on suspecte une commotion cérébrale.

 

 

 

 

 

 

 

 

 

 

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